Second chapitre
Ad Patres
Une bourrasque de vent s’infiltra par la fenêtre, ébouriffant ses cheveux, déplaçant les quelques mèches qui masquaient la fameuse cicatrice en forme d’éclair. En écoutant attentivement, on aurait pu jurer entendre le vent siffler dans la langue des serpents… Rien n’aurait du se passer ainsi. Le Survivant se retourna d’un geste brusque, les pans de sa longue cape couleur d’émeraude tourbillonnant autour de lui, rappelant le mouvement onctueux des vagues d’une mer agitée. Un claquement sonore retentissait dans le couloir désert à chaque fois que son talon heurtait le sol de pierre, ses pas le conduisant à la bibliothèque. Sans hésitation, il déverrouilla d’un sortilège la grille qui délimitait la Réserve et en poussa le battant. Il savait ce qu’il devait faire.
Les minutes puis les heures passèrent, rythmées par le cliquetis incessant de l’horloge qui siégeait non loin de là, consciencieux arbitre du temps qui passe. Le jeune homme s’était assis à une table, des tonnes de bouquins tous plus poussiéreux les uns que les autres éparpillés en piles désordonnées autour de lui. Ignorant la fatigue, il feuilletait sans relâche les pages jaunies et froissées des grimoires, découvrant à leur fil des choses plus répugnantes qu’il ne l’aurait imaginées. Mais il ne pouvait abandonner là. Il se savait si près du but…
Une exclamation de joie franchit la barrière de ses lèvres sans qu’il n’ait pu la réprimander. Sur une page aux rebords rongés par la moisissure s’étalait, noir sur blanc, ce qu’il avait tant cherché.
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La Lune, blanche et ronde, s’élevait gracieusement dans le ciel d’un noir d’encre, régnant sur l’enveloppante obscurité de la nuit. Une forme humaine se dessina, surgissant de nulle part, dominant le parc plongé dans le ténèbres, juchée au somment de la plus haute des tours du château. Un vent frais balayait doucement la cime des arbres de la forêt qui s’agitaient en une marée discontinue. Le sorcier inspira une grande bouffée d’air, laissant son arôme salé infiltrer ses sens, s’imprégnant de l’essence de cette soirée si particulière.
D’une main tremblante, il traça, à l’aide d’une craie blanche, un cercle se découpant de façon irréaliste contre la pierre anthracite du plancher. Il prit place en son centre, un écrin de velours pourpre solidement serré dans sa paume. D’un geste révérencieux, il en extirpa le sablier et le laissa tomber en face de lui. La brise siffla, répandant les grains de sables tout autour, laissant les secondes solides virevolter en tourbillons alentour du Survivant. Bien que ses mains tremblaient, sa voix était étonnamment calme, sereine, lorsqu’il entama l’incantation, les mots coulant sans accroc tel un ruisseau de vers à la mélodie rythmée. Au fil des syllabes, le vent s’intensifiait jusqu’à se transformer en rafales, aveuglant le jeune homme qui ne cessa pour autant son envoûtante mélopée. Les miettes de temps se mirent à voyager de plus en plus rapidement dans l’air, formant peu à peu des volutes étincelantes, semblables à des filaments de cuivre. Elles semblaient pulser, suivant un tempo en crescendo, se gorgeant de la lumière de la Lune à chaque coup. Puis, ce fut le néant. Un néant d’une blancheur déraisonnable. Il se sentit soulevé de terre et prit une profonde respiration, goûtant une dernière fois cette époque qu’il ne reverrait peut-être jamais.
Il sentit de nouveau le sol sous ses pieds quelques instants plus tard. Le même sol sur lequel il s’était tenu il y avait si peu de temps. Par réflexe, il regarda sa montre pour se rendre compte qu’elle indiquait encore l’heure de 1997. À en juger par le soleil et la température, il devait s’agir d’un typique après-midi du début de l’automne. Il réfléchit quelques instants à toute vitesse, puis dévala les escaliers en colimaçon qui donnaient accès à la tour d’astronomie. Il courut le long des couloirs, réveillant quelques portraits qui maugréèrent, mécontents de voir leur sieste troublée, au passage. La statue gigantesque, incrustée dans le mur du couloir du deuxième étage, imposait sa présence majestueuse. Harry sourit à sa vue. Presque rien n’avait changé à Hogwarts en près de 50 ans…
Que devait-il faire maintenant ? Attendre patiemment que quelqu’un passe par là ? Mauvaise idée. Il fallait qu’il voie le directeur. Qu’allait-t-il lui dire ? Aucune idée. Mais ça serait déjà un bon début. Oui, bonne idée.
Il se mit à faire les cent pas devant la gargouille, lançant de temps à autres au hasard le nom d’une friandise quelconque sans vraiment y croire.
Fizzwizzbizz… Bonbons à la réglisse… Sorbet au citron… Patacitrouille…
Un bruit sourd se fit entendre. L’hippogriffe de pierre commença à tourner sur lui-même, dévoilant peu à peu l’escalier menant au bureau. Fier de lui, il grimpa sur une des marches et se laissa emporter jusqu’à la porte ornée du loquet de cuivre qu’il avait si souvent utilisé. Il hésita un moment, puis toqua. On l’invita à entrer, les lourdes portes de chêne s’ouvrant toutes grandes devant lui.
- Bonjour, monsieur le directeur, adressa-t-il au petit sorcier tout ridé, frêle et dont le crâne n’était plus couvert que de quelques fins cheveux blancs qui était assis à l’arrière du large bureau.
- Bonjour, répondit-il d’une voix chevrotante. Que puis-je faire pour vous, jeune homme ?
- J’aimerais savoir s’il serait possible de rejoindre les rangs des élèves de septième année, monsieur. Je sais que c’est à la dernière minute et que la situation est quelque peu étrange mais tout expliquer serait trop long et…
- Mais enfin ! Il est bien trop tard pour inscrire un élève pour cette année ! Il aurait fallu vous y prendre à l’avance, mon garçon ! Je crains que ça ne soit pas possible !
- Rien n’est jamais impossible, Armando, si je puis me permettre, le coupa une voix grave.
Harry se retourna vivement, rencontrant deux yeux bleus pétillants.
- Il sera toujours possible d’obtenir de l’aide à Hogwarts pour ceux qui la demandent. On pourra vous prêter uniformes et livres, monsieur…
- Potter. Harry Potter, monsieur.
- Enchanté, Mr. Potter. Je suis le Professeur Dumbledore. Alors comme ça, vous aimez les Patacitrouilles ? C’est moi qui ai suggéré ce mot de passe. Je vois que nous allons bien nous entendre…
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Nerveux, Harry attendait, prostré près du mur, tout juste derrière la table professorale. Il repoussa machinalement la cuticule de son pouce en regardant les premiers élèves franchir les larges portes de la Grande Salle, notant quelques ressemblances plus ou moins abstraites avec ses camarades de classe, allant jusqu’à être certain de la parenté de quelques-uns d’entre eux. Son regard filtrait la foule qui commençait à s’estomper, chacun allant trouver siège à la table de sa maison. Une ombre menaçante sembla planer au dessus d’eux lorsqu’Il entra, une aura de mystère et de puissance l’entourant. Ses cheveux de jais étaient soigneusement coiffés comme à son habitude, sa peau pâle reluisant d’une lueur spectrale à la lumière des bougies flottantes. Il avança de sa démarche majestueuse le long des bancs, plusieurs conversations cessant momentanément lorsqu’il passait. Tous semblaient lui vouer une admiration démesurée, un certain culte. L’orphelin leva ses yeux si particuliers vers la table des professeurs, toisant les nouveaux venus d’un œil expert.
Le noir abyssal de leur prunelle semblait absorber chaque lueur, chaque étincelle qui passa à leur portée. Il prit place au centre de la longue table des serpents, impérieux de ses gestes et impeccable de son apparence. Harry ne pouvait plus détacher son regard de lui, ses yeux coulant le long de la fine ligne de sa mâchoire, passant par sa joue élégamment creusée et s’arrêtant sur ses fines lèvres vermeilles qui se mouvaient au rythme de ses paroles respectées. Il laissait transparaître une parfaire aisance malgré son port altier, comme si être entouré de tous ses gens buvant ses moindres dires était d’une toute naturelle simplicité. Rien n’aurait pu laisser deviner l’horreur qu’avaient été ses vacances. Sauf peut-être cette ecchymose qu’il arborait toujours sur la joue, mais personne autour ne semblait y faire réellement attention.
Le Survivant sursauta lorsqu’il perçut son nom à travers un flot de mots. Il semblait que le temps avait fuit, emportant avec lui le discours de Dippet. Le petit homme tendait maintenant vers lui une main bienveillante, l’invitant à le rejoindre sur la tribune. Il obéit et prit place sur le tabouret à trois pieds, un nœud dans l’estomac.
- Hum…, murmura une voix rauque à son oreille, fascinante histoire. Je vois en toi les mêmes qualités si spéciales que lors de ton entrée à Hogwarts, et même plus. Tu n’as pas eu une vie facile, et cela t’a permis de forger plusieurs points forts, il n’y a pas à douter. C’est un courage de Gryffindor et une sagesse de Ravenclaw qui t’ont amené jusqu’ici, poussé par une quête de justice digne d’un Hufflepuff. Mais je vois également en toi une côté beaucoup plus sombre, oh oui, très sombre. Et puisque cela semble être ce que tu désires… C’est ainsi que je choisis pour toi la maison de… SLYTHERIN!
Les applaudissements des verts et argent retentirent dans la pièce alors que ses habits prenaient gentiment leurs couleurs. Il se leva et rejoignit le groupe des septièmes années, visant une place le plus près de Riddle possible. Un garçon aux cheveux châtains se retourna, dardant vers lui son regard noisette.
- Sang pur?, demanda-t-il.
- Évidemment, mentit Harry.
- Alors bienvenue chez les Slytherins, Potter.
Il se décala vers sa gauche, faisant une place au nouveau venu.
- Je suis Avery, Jonathan Avery. Le blond, c’est Walter Malfoy; en face, c’est Aaron Nott; à côté de toi c’est Edmond Lestrange et le préfet c’est Tom Riddle.
La plupart lui tendirent une main polie, qu’il serra toutes avec une certaine reconnaissance. Riddle, quand vint son tour, se contenta d’un signe de tête hautain, semblant lui signifier que ses preuves restaient encore à faire. Leurs regards se rencontrèrent le temps d’un moment, l’émeraude courtisant le grenat. Grenat… En regardant de plus près, on y pouvait remarquer, dansant tels des lames ensanglantées dans la sombre nuit de ses yeux, de fins cristaux incarnat. Il avait des yeux magnifiques.
Des plats somptueux se matérialisèrent sur les tables, extirpant quelques exclamations de bonheur et d’émerveillement aux nouveaux venus éprouvés par le périple en barque à travers le lac. Les élèves affamés bondirent sur les assiettes et les conversations reprirent de plus belle, entrecoupées de bouchées et de raclements de fourchettes. Harry se surprit à apprécier la compagnie des Slytherins, allant même jusqu’à être à son aise.
Les restes disparurent, laissant place à une série de desserts virtuoses qui se désintégrèrent à leur tour lorsque tous furent rassasiés. Le directeur leur souhaita une bonne fin de soirée puis demanda aux préfets de bien vouloir accompagner leurs camarades jusqu’au dortoirs. Harry, accompagné des autres Slytherins, suivit Riddle dans les dédales de couloirs jusqu’aux cachots où le portrait du Basilic leur dévoila le passage de la salle commune.
Quelques minutes plus tard, il se glissa entre les draps de son lit à baldaquin vert, des milliers de questions et d’idées se bousculant dans son esprit. Les bras croisés sous sa nuque, il se laissa emporter par Morphée. Demain marquerait le début d’une nouvelle année, d’une nouvelle vie, d’un nouvel avenir…
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Changement d'idée... Suite à plusieurs demandes, je vais en faire une fic... Alors, le résultat vous plaît?
Prochain chapitre bientôt.